Soutenir les aumôniers d'hôpitaux et de prison

ILS SONT LÀ-ENCORE ET TOUJOURS- MERCI !

« Nous sommes là » écrivait un aumônier d’hôpital de Marseille sur sa page facebook. Cri du cœur !
Trop souvent méconnus, les « aumôniers » présents dans les établissements publics sont, en droit français des personnes, laïques, religieuses ou prêtres. Et au coeur de la tourmente du moment ils sont là. Et ils ont besoin de notre soutien !
Mandatés par leur église et reconnues par les autorités des établissements concernés, ces aumôniers représentent le culte et ont pour mission d’apporter leur soutien spirituel dans un lieu public clos (essentiellement de nos jours les hôpitaux, les prisons, les casernes et certains établissements publics scolaires disposant d’un internat) . Leur mission n’est donc pas seulement, pour les aumôniers catholiques, d’assurer la messe ou de donner l’extrême onction (d’autant qu’une grande majorité n’est pas prêtre !) mais tout simplement d’accompagner et se faire proche.
La présence des aumôniers dans ces lieux est garantie par la loi française en ce qu’elle permet que soit effective la liberté religieuse et de culte garantie par la loi de 1905, notre Constitution et la Convention européenne des Droits de l’Homme.
La loi de 1905, qu’on présente trop souvent et abusivement comme instaurant une laïcité ligotant la liberté religieuse, énonce en effet : "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public".
Dans ces lieux clos donc, puisque les personnes sont privées de facto de leur liberté d’aller et venir, et donc de celle de se rendre dans leurs lieux de cultes , les représentants du culte viennent à eux. Illustration de cette reconnaissance étatique, les aumôniers d’hôpitaux appartiennent en général à la fonction publique hospitalière tandis que leur équipe, composée de bénévoles, est considérée juridiquement comme collaborateur occasionnel du service public.
Comme l’énonce la Loi de 1905, cette liberté ne peut être réduite que si l’ordre public l’exige. Et elle devra alors l’être seulement dans la mesure de ce qui est strictement nécessaire et proportionné au but recherché sous peine d’illégalité. Qu’est-ce que l’ordre public ?
Les juges français ont l’habitude de le définir comme ce qui recouvre “le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique” et “la dignité de la personne humaine”.
Lors de la première vague de notre pandémie, nombre d’hôpitaux et de prison ont fermé la porte aux visites des aumôniers et à leurs équipes, mettant en avant l’état d’urgence sanitaire et des questions d’ordre public sanitaire et faisant fi ,un peu trop vite souvent, de la dignité humaine-composante elle-même de l’ordre public- et de la dimension spirituelle, religieuse, cultuelle essentielle de notre humanité et reconnue comme telle par les textes fondateurs de notre République eux-mêmes.
Il aurait sans doute été fondé de saisir le juge afin de savoir si cette atteinte aux libertés lui paraissait nécessaire et proportionnée au but recherché. Il convient en effet de garder toujours en mémoire que, dans un État de droit, quelle que soit la crise traversée, la liberté doit rester la règle et la restriction de police l’exception.
A l’arrivée de la « seconde vague » que nous vivons, notre Président semble avoir été plus prudent en précisant notamment que les visites aux personnes vulnérables étaient des exceptions qui pouvaient permettre de circuler.
En même temps, la plupart des hôpitaux et des prisons ont tiré les leçons des abus précédents et permettent de nouveau les visites, notamment aux aumôniers et parfois même à leurs équipes.Si les offices religieux collectifs sont annulés, les détenus comme les personnes hospitalisés peuvent, en principe, demander à voir un aumônier individuellement. Les aumôneries de prison ont aussi mis en place un numéro vert national (0800 725 130 (10h-18h ; 7 jours sur 7).
Les aumôniers sont aussi mieux informés et à même de faire valoir leurs droits.
Cette fois, « « Personne ne doit être laissé sur le bord du chemin», a martelé le Président de la République le 14 octobre 2020. Souvenons-nous en !
Chacun de nous peut, à sa mesure, agir pour faire en sorte que ces droits puissent être effectifs. La règle est en effet bien souvent que les aumôniers et leurs équipes ne puissent se rendre au chevet des personnes hospitalisées que si la personne en fait la demande. Or, tandis que d’ordinaire, les patients et les aumôniers circulent dans les établissements, la pandémie restreint aussi la liberté de circuler dans les institutions. Les personnels, d’autre part, ont peu de temps pour informer .
De ce fait, peu de personnes savent que l’aumônier est présent et autorisé à venir à leur rencontre. Peu d’entre elles savent aussi qu’un aumônier n’est pas là que pour donner un sacrement lorsque la mort approche ou dire une messe mais peu simplement se faire Présence, écoute
Un collectif de juristes, inquiets de voir les libertés diverses menacées par l’épidémie, écrivait ceci il y a quelques jours : «Sans mettre en question la nécessité de lutter contre la propagation de l'épidémie du COVID-19 et le besoin pour le système hospitalier d'encaisser le choc de la crise épidémique, il nous paraît nécessaire de placer les pouvoirs publics sous surveillance de la société civile, compte tenu de l'accumulation de mesures restrictives de libertés, individuelles et collectives…Même dans un contexte de manque de moyens et de personnels dans les institutions de soins et malgré les difficultés, il importe que soient respectés les droits des patient·es et en particulier leur droit à l’information, au consentement, et à une fin de vie digne."
Chacun d’entre nous avons donc aussi à participer au maintien de cette mission essentielle en en faisant la plus large publicité possible.
Dans nos paroisses, sur les réseaux sociaux, autour de nous disons que si l’hospitalisation ou l’incarcération vient, outre les visites des familles, il est aussi possible de demander à rencontrer un membre de l’aumônerie ou s’il n’y a pas d’aumônerie dans ce lieu, un prêtre pour qu’il soit autant pris soin de notre âme que de notre corps en ces temps difficiles et que nous puissions être Un.
Soyons attentifs, ne nous laissons pas voler la charité.
***
Pour approfondir :
Dans une note intitulée « Alerte sur une nouvelle banalisation des atteintes aux droits et libertés », un groupe d’universitaires, d'avocat·e·s et de magistrat·e·s, membres du « réseau de veille sur l’état d’urgence sanitaire », dresse une liste de plusieurs points d’inquiétude en matière d'atteintes aux droits et libertés liées à l'instauration d'un nouvel état d'urgence sanitaire et à leur risque de pérennisation. On peut la lire ici : https://www.voxpublic.org/.../note_d_alerte_sur_une...
La Commission nationale consultative des droits de l’Homme rappelle elle aussi que la limitation des libertés doit respecter "les principes de stricte nécessité, d’adaptation et de proportionnalité" et de non- discrimination. Elle souligne l’importance d’apporter une attention particulière aux personnes vulnérables (migrants, mineurs non accompagnés et personnes en situation d'extrême pauvreté, les chômeurs et les travailleurs précaires) et d’arrêter les restrictions de libertés "sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires".
L'Eglise catholique de France a publié l'été dernier un document épiscopat sur les visites en hôpitaux et en prison. A lire pour rendre grâce... et s'engager?
J’aime
Commenter
Partager

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Un coeur qui écoute. Un parcours à suivre pour transformer nos coeurs en oreilles

Le cri des étudiants au bord de l'eau du 8 au 23 juillet

L'onction sur la montagne